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La guillotine américaine rattrape BNP Paribas

2014-07-01 | France

Malgré les appels politiques du gouvernement français et l’évocation d’un risque systémique en UE, les autorités judiciaires américaines, n’ont pas changé un iota leur perception des faits reprochés à BNP Paribas. Ainsi, dans le sillage de leur logique, ils ont infligé à BNP Paribas une sanction lourde qui pourrait faire chanceler le groupe bancaire français. Rappelons au passage que BNP Paribas est présente au Maroc via sa filiale BMCI.

En effet, depuis plusieurs mois, le ministre de la justice américain Eric Holder a travaillé le cas de BNP Paribas avec le procureur et le régulateur bancaire de l'État de New York, Cyrus Vance et Benjamin Lawsky. Pour montrer leur intransigeance, ils ont menacé BNP Paribas d’une poursuite pénale ainsi que d’une amende plus lourde. En effet, si au départ, les Etats-Unis ne se basaient que sur leur souveraineté sur le dollar, par la suite, les charges semblaient plus sérieuses avec 30 Mrds $ de transactions travesties par BNP Paribas pour contourner les règles américaines.

Finalement, BNP Paribas a choisi reconnaître sa responsabilité (« guilty plea ») pour avoir enfreint certaines lois et réglementations des Etats-Unis relatives à des sanctions économiques à l’encontre de certains pays et aux enregistrements des opérations liées.   Jean-Laurent Bonnafé, Administrateur Directeur général de BNP Paribas, a déclaré : « Nous exprimons nos regrets pour ces  erreurs passées qui nous amènent aujourd’hui à cet accord ».

C'est donc aujourd'hui que ministre de la justice américain Eric Holder, a officialisé les lourdes sanctions infligées à BNP Paribas. Il s’agit d’une sanction quadruple: (1) une amende de 8,97 Mrds $. (2) une suspension temporaire, pour une durée d’un an à compter du 1er janvier 2015, de certaines opérations directes de compensation en dollars US, portant principalement sur le périmètre de l’activité de financement du négoce international de matières premières, pour la partie pétrole et gaz, dans certaines implantations. (3) une reconnaissance publique de sa culpabilité par BNP Paribas (4) le départ d’une dizaine de collaborateurs.

En termes financiers, la sanction de près de 6,6 Mrds € , dont une partie a été provisionnée, se traduira par une charge nette de 5,8 Mrds € qui représente une large partie du bénéfice de 2014 (un résultat net part de groupe de 1,7 Mrds € en 2014 T1), ce qui devrait certainement faire basculer l’exercice dans le rouge, en cas d’addition des frais juridiques, des charges du départ des hauts cadres incriminés et du coût de réorganisation en prévision de la suspension de traitement du dollar en 2015. De plus, le montant de l’amende représente 8,5% des fonds propres, ce qui fera diminuer le ratio de solvabilité Tier 1, de 100 pbs à 10%.

La suspension de transactions en dollar pour le négoce, portera un coup aux activités de commerce international de BNP Paribas, qui sera certainement condamnée à trouver un accord avec une consœur française ou européenne pour limiter la casse.

Toutefois, c’est le plaider coupable, validé par le conseil d’administration de BNP Paribas, qui constitue un risque quasi-systémique pour la banque française. En effet, plusieurs pays pourraient ouvrir une enquête sur BNP Paribas, suite à cet aveu de fraude. Ainsi, plusieurs licences bancaires de BNP Paribas, pourraient être remises en cause. Aussi, certains clients ou contreparties à la compliance structurée, devraient certainement changer de banque. En effet, rappelons que théoriquement, traiter avec une banque reconnaissant sa culpabilité dans le travestissement de transactions, n’est pas anodin.

 

En conclusion, BNP Paribas devrait certainement survivre à ce coup dur. Toutefois, ses grosses ambitions à l’international pourraient être revues à la baisse à la manière de la Société Générale après le scandale de Kerviel. En particulier, BNP Paribas devra redoubler d’imagination pour faire oublier cet épisode. Au Maroc, les conséquences directes pour la BMCI, ne devraient pas être significatives car la filiale marocaine n’est pas à priori impliquée dans le négoce de commodities. Indirectement, un renchérissement potentiel du coût de transactions internationales de BNP Paribas, toucherait certainement aussi la BMCI.